Art, enfance et mieux-être·Réflexions transverses

Vous avez dit alliesthésie ?

J’ai entendu pour la première fois le mot « alliesthésie » lors d’une formation aux études de marché durant laquelle ont été évoqués les excès du marketing : le marketing pourrait faire usage d’additifs dits « produits alliesthésants » afin de rendre les consommateurs (encore plus) accros à certains produits. Ce serait notamment le cas pour les cacahuètes et aussi, ce qui est plus inquiétant, pour la bière, les nouvelles boissons alcoolisées et les cigarettes.

Intriguée et, n’imaginant pas que l’on puisse réellement faire appel à de telles pratiques, j’ai effectué quelques recherches sur cet étrange mot « alliesthésie ».

Premier constat : on trouve très peu d’informations sur l’alliesthésie. Quelques articles épars sur la définition du mot. Le terme a été inventé en 1968 par le médecin Cabanac et a donc un usage médical. L’alliesthésie alimentaire « se manifeste par des modifications subjectives de la perception olfactive et gustative en rapport avec l’état nutritionnel de l’organisme ». Plus simplement, il s’agit d’un phénomène physiologique : le rassasiement sensoriel. Lorsque nous avons suffisamment mangé, le corps envoie des signaux afin de cesser la prise alimentaire. Habituellement, si l’on va au-delà de sa faim, c’est souvent par gourmandise ou parce que l’on ne s’écoute plus (en cas de stress notamment) ou que l’on a perdu ses repères alimentaires (par ex. troubles du comportement alimentaire et addictions). Mais il y a aussi les additifs dits « alliesthésants » qui nous font aller au-delà de nos besoins nutritifs en déclenchant un besoin irrationnel de consommer.

Parallèlement à ce type de marketing, des campagnes publicitaires fleurissent un peu partout dans notre quotidien pour nous rappeler que pour notre santé il est bon de ne pas trop manger ni sucré, ni salé et qu’il faut limiter la consommation d’alcool et de cigarettes. Comble du paradoxe, ces messages sont justement inscrits sur certains de ces produits « alliesthésants ». Il s’agit là d’une injonction paradoxale pouvant conduire à un stress élevé (culpabilité de consommer le produit « mauvais » et tout à la fois nécessité de le consommer). Ce stress peut induire la prise de produits addictifs, comblant de la sorte l’angoisse provoquée par le stress… le résultat ayant ainsi l’effet inverse de celui escompté.

Plutôt que de nous asséner de fausses recommandations culpabilisantes, encore faudrait-il cesser d’ajouter du sucre dans nos aliments pour diminuer la consommation de sucre… En effet, l’additif alimentaire le plus alliesthésant est le sucre. On le retrouve notamment dans la bière, les boissons alcoolisées et dans les cigarettes. Des études récentes ont d’ailleurs prouvé que le sucre décuple les effets de la nicotine sur le cerveau. Ce produit fortement addictif le devient donc davantage. La boucle est ainsi bouclée : plus on consomme, plus on a envie de consommer. Et cela d’autant plus si le consommateur est psychologiquement fragile et qu’il présente un terrain favorable à l’addiction.

Quelle conclusion tirer de ce constat ? Qu’il est insupportable que des industriels fassent du profit sur les fragilités de certains individus ? Cela n’est pas nouveau : de tout temps, on a fait du profit sur les faiblesses des autres. Mais le monde n’est pas fait que d’êtres humains sans scrupules. Nous pouvons faire évoluer les situations comme en témoigne d’ailleurs le marketing éthique de plus en plus pratiqué, en réponse aux préoccupations actuelles des consommateurs et des professionnels. Le marketing ne fait finalement que mettre en oeuvre des stratégies issues de l’analyse de nos comportements. Le marketing est là pour capter des évolutions et des tendances pour orienter notre consommation.

Si le marketing n’est que le reflet exacerbé de nos comportements, quelle société nos modes de consommation ont-ils engendrée ? Jusqu’à quel point notre société est-elle malade pour avoir accepté de se rendre encore plus malade en consommant sans conscience ? Offusquons nous si nous voulons du « marketing alliesthésique » mais celui-ci ne fait que souligner et alimenter une tendance actuelle de nos pratiques : des consommations excessives et parfois dénuées de sens… celles-là se consomment effectivement sans faim car elles ne comblent jamais ni le vide ni les angoisses existentielles. Le fait est que chacun est responsable de sa propre consommation. Suivant la logique du marketing, si nous voulons un autre monde, c’est à nous d’agir en optant vraisemblablement pour des consommations plus réfléchies. Si nous changeons nos comportements, le marketing s’adaptera en fonction… En changeant peu à peu nos modes de consommation, nous ferons alors changer la consommation.

MG

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