Art, enfance et mieux-être·Réflexions transverses

Créer avec un enfant de 3 ans : le journal à quatre mains

Créer ensemble

Depuis quelques années, j’ai pour habitude de mettre en place des ateliers de pratique artistique ou d’activités créatives avec des enfants afin de permettre l’expression d’une créativité innée et débordante, mais aussi de favoriser le mieux-être avec la possibilité d’exprimer visuellement les émotions, de baisser la tension lorsqu’elle monte ou de resserrer les liens quand ils se distendent. Si l’objectif de ces ateliers est d’initier les enfants à différentes techniques artistiques, ces activités créatives ont également un effet apaisant puisqu’elles permettent de focaliser l’attention. De même, le moment partagé entre l’enfant et l’adulte est un véritable moment de qualité qui permet de réinvestir éventuellement la relation en cas d’une mise à distance causée par la routine du quotidien.

Si les enfants s’expriment spontanément, il est néanmoins parfois plus facile pour eux de ressentir et de formuler leurs émotions ou leurs difficultés à travers une pratique artistique plutôt qu’avec des mots dont ils n’ont pas toujours la compréhension ni la maîtrise linguistique. Dans le cadre de cette pratique, la création est intuitive et l’art est spontané. Spontanéité et intuition sont les deux requis à cette pratique, ce qui ne devrait pas poser de problème à l’enfant qui adopte de manière innée ces comportements.

Cette pratique s’avère aussi un outil de développement personnel pour l’adulte qui devra faire preuve de lâcher prise durant la pratique, se recentrer sur ses émotions, les exprimer à son enfant et laisser de côté les jugements de valeur. Ce dernier aspect est particulièrement important car le jugement de valeur bloque la créativité et empêche parfois de saisir le pinceau (« je ne suis pas doué pour le dessin », « je n’ai aucun talent »). Si vous souhaitez pratiquer cette technique avec votre propre enfant, partez avec le message en tête qu’il n’y a pas de jugement de valeur chez l’enfant. Il n’est pas là pour juger votre dessin mais pour partager un moment avec vous. Enfin, l’objectif est pas d’être dans le beau mais dans le ressenti. Peu importe la qualité graphique ou esthétique de votre production. Seul le moment importe.

Déroulement d’un atelier

Dans le cadre d’un atelier pour des enfants de 3 ans accompagnés d’un de leur parent, j’ai imaginé la création d’un journal créatif à quatre mains : sur la page de gauche l’enfant s’exprime sur une thématique en particulier qui lui tient à cœur tandis que la page de droite est consacrée à la création de l’adulte, toujours sur la même thématique. Il est importante de choisir un grand cahier (avec ou sans lignes mais de préférence à spirales) pour être plus à l’aise lors de la pratique car elle doit se faire simultanément pour éviter le plus possible les jugements de valeur et favoriser l’intuition.

L’enfant et le parent assis côte à côte créent donc simultanément sur le cahier sans que l’enfant soit guidé par l’adulte. Les matériaux utilisés sont de toutes sortes et principalement issus du recyclage des fêtes et de ce que vous trouverez dans la maison : ruban bolduc, morceaux d’aluminium, stickers, scotch de couleur, morceaux de tissu ou de dentelle, peinture, colle pailletée, colle en tube, colle liquide, ciseaux, gouache de l’école, pinceaux, stylos de toutes sortes, feutres, feuilles d’arbre, images coupées dans des magazines ou dans des journaux… pas besoin d’investir dans du matériel sophistiqué, le principe du journal créatif reposant aussi sur l’usage d’un matériel facilement exploitable et qui ne nécessite pas de pré-requis en techniques artistiques (matériel recyclé ou trousse d’un enfant). On donne ainsi un nouveau sens et un nouvel usage à ce qu’on l’on considère habituellement sans importance. Ainsi, cette technique est accessible à tous et permet de s’initier aux techniques artistiques à moindres coûts (financier et psychique).

La pratique se réalise en peu de temps et sans réfléchir. Ce sont les matériaux qui guident la réalisation autour d’une thématique choisie au préalable entre l’enfant et l’adulte. Il faut compter environ 10 minutes et rarement plus de 20 minutes pour réaliser la double page (il est conseillé de ne pas aller au-delà car un enfant en bas âge n’a pas encore la possibilité de maintenir son attention davantage). On ne cherche donc pas à faire joli mais à faire, tout simplement.

Une fois que l’adulte et l’enfant ont fini de produire, chacun son tour pourra évoquer en quelques mots ce que ce dessin représente pour lui. Il est important que l’adulte ne cherche pas à essayer de comprendre ce que l’enfant a voulu représenter de manière figurative. Tout d’abord, l’enfant n’est pas forcément capable d’expliquer ce qu’il a voulu dessiner car il a créé de manière spontanée et intuitive. Demander à un enfant s’il a voulu dessiner un arbre ou une maison reviendrait à rationaliser et à donner du sens à postériori à quelque chose qui est d’abord de l’ordre du ressenti. Si cela est nécessaire, il faudra plutôt chercher à comprendre ce que l’enfant a ressenti en créant en reprenant ses propres mots (« la colle, ça fait tout drôle sur les mains… ça colle ! ») et aussi en partageant son propre ressenti avec son enfant (« j’ai beaucoup aimé dessiné avec toi, je sens que ça me rend heureux, ça fait tout chaud dans mon cœur »), sans attendre une réciprocité pour éviter de forcer l’échange et de biaiser le ressenti (« papa ou maman disent qu’ils sont heureux, il/elle attend que je dise la même chose mais ce n’est pas ce que je ressens »). Mais peut-être qu’il n’y aura pas forcément besoin de mettre des mots sur le dessin. Alors seule la pratique aura suffit en elle-même.

Analyse d’un dessin

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Double page sur la thématique de Noël. A gauche la réalisation d’un enfant, à droite celle de l’adulte.

Cette double page d’un journal créatif à quatre mains est particulièrement intéressante. L’enfant et l’adulte avaient à disposition le même cadre (le cahier) et le même matériel. La thématique du jour est aisément devinable (Noël).

L’adulte a produit un cadeau de Noël disposé au centre de la page, de manière rationnelle et géométrique (peut-être que l’adulte a besoin de contrôle à ce moment là). On est dans la représentation de Noël par un objet figuratif. Mais il y a plus intéressant avec l’analyse de l’objet en tant que tel : pour l’adulte, Noël symbolise ainsi le cadeau, l’échange, le partage. L’enfant, quant à lui, a surtout été attiré par les matières (le toucher) et a voulu imiter à un moment donné l’adulte avec le scotch coloré en bas de sa page. Le dessin dit tout simplement que l’adulte en question est son modèle. On peut ainsi facilement imaginer que la réciprocité de la relation se base à ce moment là sur le partage avec son enfant et la confiance envers l’adulte.

Conseil

Mon conseil est de tenir régulièrement le journal créatif, ce qui permettra à l’enfant, tout comme à l’adulte, de se remémorer ces moments partagés ensemble comme le ferait un journal intime. Il en a d’ailleurs sa fonction. La parole existe ici uniquement par l’image et celle-ci permet à l’enfant de s’exprimer tout autant que l’adulte.

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